Manifeste du Sublime

par Grégory Poussier

Nous croyons que dans un monde saturé de bruit, d’urgence et de vitesse,
la beauté n’est pas un luxe. Elle est résistance. Elle est nécessité.

Le Sublime n’est pas un ornement.
Il n’est pas décoratif, ni mondain, ni anecdotique.
Le Sublime est cette secousse intérieure, muette et limpide,

qui survient face à une lumière juste, une forme rare, un silence habité.
Il est cette sensation d’être, d’un seul coup, remis à sa juste place dans le grand équilibre des choses.

Nous vivons dans une époque où l’attention est dévorée,
où le regard glisse, où le monde s’oublie sous la surface des écrans.
Dans ce fracas, contempler n’est pas fuir. C’est résister.
S’émerveiller n’est pas naïf. C’est politique.
Regarder avec lenteur, sentir avec justesse, s’ouvrir à la beauté simple d’un nuage ou d’un geste sculpté
,
c’est refuser l’assèchement du sensible, c’est redonner à l’expérience humaine sa profondeur.

Le Sublime, pour nous, naît de la beauté.
La beauté appelle la contemplation.
La contemplation provoque l’émerveillement.
L’émerveillement engendre la grâce.
Et la grâce nous fait entrevoir la transcendance.

C’est un enchaînement. Une alchimie. Une ascension silencieuse.

Dans chaque œuvre, photographie, peinture, musique, sculpture,
nous cherchons à loger cette promesse :
que quelque chose, même fragile, même ténu, nous élève.
Que l’œuvre puisse être un seuil.
Un point de bascule entre le visible et l’invisible.
Un compagnon muet qui murmure ce que le langage ne sait dire.

Nous appelons cela les Faiseurs de Sublime.
Non pas des démiurges ou des génies, mais des artisans discrets de l’indicible.
Ils suspendent une goutte d’eau, éclairent un vol d’oiseaux, orchestrent les brumes du matin.
Ils œuvrent pour que le monde reste habitable, poétiquement habitable.

Notre art n’a pas pour but d’expliquer. Il veut transmettre.
Pas impressionner, mais toucher.
Pas éblouir, mais réveiller.

Nous faisons le pari qu’il existe encore des lieux intérieurs à convoquer.
Qu’il y a en chacun un désir de silence, de lenteur, d’élévation.
Que l’art peut être un passage vers cela et que ce passage est, aujourd’hui, plus urgent que jamais.

Ainsi, que ce manifeste soit une invitation !
À ralentir.
À regarder autrement.
À réapprendre à sentir.
Et à reconnaître, dans chaque fragment du monde, cette lumière rare qu’on appelle le Sublime.